PartyOf2: “On crée comme on lance de la peinture sur un mur”
crédits: EVERS STUDIO
Le duo, né du réarrangement du collectif Grouptherapy, débarque ce 17 octobre avec AMERIKA’S NEXT TOP PARTY!, un cerf-volant musical tiré par deux âmes soucieuses de s’inscrire dans leur époque. Leur nouveau monde est plus personnel, plus exigeant et survolté aussi, mais surtout plus tendu vers la vérité. SWIM et Jadagrace convoquent l’intime, le fun et le politique dans le même souffle avec un disque vulnérable mais assuré. Les textures alternent entre passages minimalistes et climats saturés, mêlant rap, house, pop et expérimentations électroniques. Les ruptures rythmiques et les montées progressives font basculer le disque dans un concert survolté d’idées brillantes, patchworks et hommages, ouvrant la voie à des drops à la fois festifs et réflexifs. Le single Just Dance 2 en est un bon point de départ. Produit par Swim, Danes Blood et Dave Marcus, il est à la fois clinquant et grave, une proposition récréative, mais chargée d’un substrat politique et d’une honnêteté brute que le duo revendique comme fondation de leur identité renouvelée, rendant par la même occasion un hommage aux racines noires de la house. Ce disque est une ligne claire tracée entre deux pôles : l’intime et le collectif, la fête et le questionnement. Et dans ce balancement, PartyOf2 affirme non seulement ce qu’ils sont devenus, mais ce qu’ils appellent à devenir. Auprès de Shimmya, Jadagrace confie avoir dû lâcher le contrôle, ouvrir l’espace à la vulnérabilité, Swim, quant à lui, raconte l’apprentissage de la confiance musicale : « C’est la première fois que je produis autant ». Leur dynamique est désormais plus frontale, plus franche, incarnant ce qu’ils prêchent, à savoir l’audace, l’expérimentation, la permission de se rater et de recommencer. Dans le sillage de AMERIKA’S NEXT TOP PARTY!, ils ne sont plus les “cool kids” naïfs d’hier.
Sur vos précédentes sorties, j’ai ressenti un fort désir de remplir votre musique de références, ce qui lui donnait un côté éclectique mais légèrement dispersé. Avec ce premier disque, comment cette question du traitement des influences a-t-elle pesé sur sa conception ?
S: D’une manière générale, je dirais que l’on poursuit ce but de ne pas être mis dans une case. On aime célébrer nos différences, et on aime plein de genres et de sons différents. C’est ce qui rend la création ensemble si amusante : c’est comme assembler un puzzle. Comment prendre tous ces éléments variés, mais les faire sonner de manière cohérente, et surtout de manière authentique, tout en restant accessibles pour l’auditeur. C’est vraiment le reflet de nos goûts personnels, qu’on aime explorer à fond.
Quelle chanson de ce nouvel album reflète le mieux votre nouvelle identité en tant que PartyOf2 ?
J: Je pense que c’est Just Dance 2.
S: J’aurais dit la même chose. C’est l’un des singles qu’on a sortis. Ce morceau, c’est un voyage, presque une machine à remonter le temps. On y traverse le hip-hop, la house, un peu de pop aussi. Il illustre bien ce qu’on fait, à la surface, une musique entraînante et joyeuse, mais avec des paroles qui portent des sous-tons politiques, de la vulnérabilité et beaucoup d’honnêteté. J’en suis très fier.
J: Et il sonne comme une version futuriste du passé. Beaucoup de gens nous disent que la chanson leur donne un sentiment de nostalgie, tout en semblant venir du futur. C’est exactement ce qu’on voulait : rendre hommage aux sons qui nous ont marqués en grandissant, tout en y apportant notre propre touche, de façon à créer quelque chose de familier mais aussi d’inédit.
Vous avez parlé du plaisir que vous prenez à créer. À quoi ressemblent concrètement vos sessions studio ?
S: C’est un beau chaos (rires).
J: Et ça dépend des jours.
S: Oui, totalement. On a chacun plein d’idées, et c’est un peu comme lancer de la peinture sur un mur, ou tailler une sculpture. Souvent, 80 % du processus ressemble à un désordre total, et c’est dans les 20 % restants que la vision prend forme. On embrasse complètement cette étape. On passe beaucoup de temps à expérimenter, parfois une session entière juste à chercher le bon son de basse ou le bon synthé.
J: C’est parfois frustrant, mais on a appris, surtout avec ce projet, à être patients. Il nous arrive de passer douze heures en studio, et c’est seulement dans les deux dernières qu’on trouve enfin ce qu’on cherchait. Mais sans ces dix heures précédentes, on n’y arriverait pas. Parfois, ça marche tout de suite, parfois non. L’essentiel, c’est le temps et l’intention qu’on y met. La patience a été essentielle sur cet album.
S: Oui, notre priorité, c’est de faire une musique qui nous ressemble, et on ne veut jamais que ça sonne comme quelqu’un d’autre. Ça demande de la patience et beaucoup de travail jusqu’à ce que ça sonne “comme nous”.
Votre création est-elle toujours totalement collaborative, ou y a-t-il parfois l’un de vous qui lance une idée avant de la développer ensemble ?
S: C’est un peu des deux. Par exemple, Just Dance 2, c’est une production sur laquelle je travaillais depuis un moment sans savoir où elle irait. Puis je l’ai fait écouter à Jada, elle a eu ses propres idées et c’est devenu un mélange des deux approches. Mais parfois, notre processus est complètement différent.
J: Il m’arrive de commencer seule, juste avec un métronome, et d’enregistrer des voix. Ensuite, il va sampler ma voix et construire toute la production à partir de ça. On a testé plein de manières différentes, parce qu’on sait qu’il n’existe pas une seule formule pour faire une chanson.
J: Et c’est comme ça qu’on garde les choses fraîches, en ne répétant pas toujours le même schéma, mais en cherchant à chaque fois une nouvelle façon de créer. On adore arriver en studio et se dire : “Ok, aujourd’hui, comment on peut faire différemment ?”
Vous travaillez avec la chanteuse Kaedi Dalley, qui est présente sur une grande majorité des morceaux. Quelle importance a-t-elle eue dans votre processus de création ?
J: Je suis tellement heureuse qu’on parle de Kaedi, je l’adore. Je l’ai rencontrée en réalisant certains de ses clips, et j’ai tout de suite trouvé qu’elle était incroyablement talentueuse. Depuis qu’on est un duo, on est très protecteurs de notre espace créatif, mais Kaedi est quelqu’un en qui on a une totale confiance, humainement et artistiquement. Elle apporte plein d’idées géniales et respecte notre processus. Elle a fait beaucoup de chœurs sur l’album et a aussi participé à l’écriture. C’était super d’avoir quelqu’un avec qui échanger. Parfois, on a juste besoin d’un regard extérieur. Elle apporte toujours des idées auxquelles on n’aurait jamais pensé. Elle a vraiment été là tout au long du projet.
S: Kaedi est incroyable. Elle a une oreille exceptionnelle, une superbe voix. Moi, je suis surtout rappeur et producteur, donc quand il s’agit de mélodies et de chant, je ne peux pas toujours aider autant que je le voudrais. Kaedi, elle, est formée pour ça. Elle a vraiment poussé Jada à explorer de nouvelles mélodies, de nouveaux timbres. Leur alchimie est incroyable. Après une première chanson ensemble, on a su qu’on voulait qu’elle soit présente à chaque session. Ce ne sera clairement pas notre dernière collaboration.
Ce qui est très rafraîchissant dans votre musique, c’est son éclectisme en matière de sonorités. Quelle importance revêt la texture de l’enregistrement dans la transmission de l’atmosphère émotionnelle de l’album ?
S: C’est essentiel. Comme cette maxime: l’important ce n’est pas seulement ce que tu dis, mais comment tu le dis. On l’a vraiment compris en travaillant sur cet album, que ce soit dans la production ou dans la façon d’interpréter les paroles.
J: Même jusqu’au choix du micro ! On savait exactement lequel on voulait utiliser, le C800. Il capte parfaitement nos deux voix et les différentes nuances qu’on voulait explorer. Et puis SWIM a été très minutieux sur les sons utilisés. Tu peux avoir les mêmes rythmes, la même structure, mais si tu changes juste les sons, tu obtiens une texture complètement différente. On a été très précis là-dessus.
Parlons des visuels. Vous avez déjà sorti trois clips très prégnants. Quel rôle jouez-vous dans la dimension visuelle de PartyOf2 ?
S: Nos visuels, c’est un peu comme nos sessions studio. On y est très méticuleux. On a toujours réalisé nos clips nous-mêmes et imaginé les concepts. C’est pour nous un autre moyen d’exprimer le message et de construire l’univers autour de la musique. Souvent, dès qu’on compose un morceau, on imagine déjà à quoi pourrait ressembler son visuel. C’est une partie du processus qu’on adore.
J: Je pense que les gens le sentent, on aime sortir une chanson avec son clip, pour que tout soit vécu comme une expérience complète, presque comme un film.
Lequel d’entre vous a pensé au clin d’œil au jet de chaussures sur George W. Bush ?
S: Ah oui, ça, c’était mon idée (il rit). Pour Friendly Fire, je savais qu’on voulait un battle rap, et je me suis dit : pourquoi ne pas le transformer en débat présidentiel ? L’album ayant déjà des sous-tons politiques, ça collait parfaitement. Et à partir de là, je cherche toujours des références culturelles à intégrer. Cet épisode avec Bush m’avait marqué enfant, c’était fou et drôle à la fois. Donc dès qu’on a eu l’idée du débat, je me suis dit : “Il nous faut ce moment-là !” J’étais ravi de le faire.
J: C’était la cerise sur le gâteau.
Comment est née cette chanson très conceptuelle ?
S: Quand on est devenus un duo, on a voulu créer quelque chose que seuls nous deux pouvions faire. On est amis depuis presque quinze ans, donc il y a une vraie confiance. On pouvait faire une chanson comme celle-là sans que ce soit personnel ou blessant. On a chacun écrit la liste de nos insécurités, des choses qu’on n’aime pas chez nous ou qu’on aurait peur d’entendre, puis on a échangé ces listes pour écrire nos couplets. C’était très libérateur. Rien de ce qu’on disait ne nous surprenait, parce qu’on s’était donné mutuellement la “matière” pour le faire. C’est sans doute la chanson sur laquelle on s’est le plus amusés.
J: Oui, c’était super fun, mais aussi un vrai défi pour trouver la bonne façon de construire ce morceau et pour qu’il reste agréable à écouter, qu’on ait envie d’y revenir, qu’il ait ses moments spéciaux sans en faire trop. Il fallait que ce soit à la fois fort et subtil.
S: Oui, il fallait garder le côté ludique et amusant. On en a fait plusieurs versions, c’est probablement le morceau qui a eu le plus de couplets différents sur tout l’album.
Comment imaginez-vous présenter ce nouveau disque sur scène ?
S: On a très hâte de le jouer en live. Comme pour nos clips, on veut vraiment donner vie à cette musique sur scène. Jada est une performeuse incroyable, elle a fait ça toute sa vie, bien plus longtemps que moi, et elle me pousse à donner le meilleur de moi-même sur scène. Dès qu’on a fini l’album, on s’est tout de suite demandé : “Ok, maintenant, à quoi ça ressemble en live ?”
J: Oui, et on a aussi beaucoup réfléchi à la production des versions live. On a appris ça pendant la tournée avec Tobi Lou, où on faisait sa première partie. On n’a pas encore fait de tournée en tête d’affiche, donc c’était une super expérience pour tester des choses et apprendre. L’album a d’ailleurs été conçu dans cette optique, il est fait pour être joué sur scène.
Quelle a été la vérité la plus difficile à admettre pendant la création de cet album ?
J: Pour moi, c’est d’avoir compris, et c’est lui qui m’a aidée à le voir, que j’étais un peu trop perfectionniste. Cet album m’a forcée à sortir de ma zone de confort. Je ne m’attendais pas à faire autant de choses différentes, à expérimenter autant avec ma voix. Être en studio avec lui m’a appris à lâcher prise, à moins trop réfléchir. Et aussi à être plus vulnérable. On ne s’était jamais autant ouverts qu’ici. On s’est demandé : “Qu’est-ce qu’on traverse vraiment ? Qu’est-ce qu’on n’ose pas dire mais qui pourrait être guérissant, pour nous et pour les autres ?” C’était essentiel.
S: Pour moi, c’était une leçon similaire : apprendre à me faire confiance. C’est la première fois que je produis vraiment autant, j’ai fait neuf morceaux sur les onze de l’album. Et au début, j’avais peur que ça ne plaise pas. Jada m’a beaucoup encouragé à croire en moi. On a énormément de respect mutuel sur le plan créatif : si elle aime, alors je suis satisfait. Cet album nous a permis de gagner en confiance et d’être plus à l’aise dans notre art. Ce n’est pas facile, mais j’ai appris à sortir de ma tête et à faire confiance au ressenti. Trust the feeling. On ne l’avait jamais autant fait auparavant.
Propos recueillis par Arthus Vaillant